S'il n'est pas (2007)
Il marche. C'est ainsi. Près de la gare, le nez collé au bitume, les dimensions l'écrasent. Parfois, un nuage de poussière l'éblouit. Le gris, ça lui évite les points de fuite, il se concentre sur les pas et sur les traces, il y en a peu. De là-haut, la vision des rails le recadre, il a les yeux bouchés, la rue de Rome est morte. Dans le square des Batignolles, il envisage les heures à venir, renonce; la vraie raison de cette sensation de vide, ce n'est pas lui, il ne saurait dire si c'est pire, il sait que oui. Alors il marche au hasard, les jours rallongent rue des Moines au milieu de la nuit.
J'avais oublié son visage; à force de concentration, j'ai fini par le retrouver. Je me souviens de l'impression forte que j'avais ressentie quand il m'avait souri, son regard doux, l'air perdu et fragile, ce sourire qui n'existe qu'en rêve ou dans les couloirs de l'enfance. J'avais détourné les yeux, instinct de survie.
Et dire qu'il y avait ce lac qui me brûlait les yeux et ces êtres qu'attirait la lumière. Et dire que c'était l'été bientôt.
Je guette et je crois le voir disparaître sous un flot de larmes.
Il faudrait se rappeler du jour exact et l'extraire du temps.